17 juillet 2017

Across 110th Street / Meurtres dans la 110e rue


Le titre de ce film (de Barry Shear, 1972, adapté du roman de Wally Ferris) est bien mal traduit en français : Meurtres dans la 110e rue. Ce devrait être exactement De l’autre côté de la 110e rue ou Au-delà de la 110e rue. Les lecteurs de Imbroglio négro savent que la 110e borde Central Park au nord et constitue donc la limite sud de Harlem. Dans ce roman, c’est sur cette rue –bourgeoise – qu’habite le politicien noir démocrate Casper Jones. Dans le film, un des mafieux définit Central Park comme « le no man’s land qui nous sépare du Harlem noir ».

C’est un bon film d’action bien cynique qui présente plus de flics corrompus que de policiers honnêtes et la lutte entre la mafia et les gangs africains-américains pour dominer le trafic des loteries clandestines.

Le film vaut par l’évocation de Harlem et on y trouve des lieux et ambiances bien connus de Fossoyeur et Ed Cercueil : triste paysage urbain de taudis et de rues jonchées d’immondices, prostituées, travestis ; des scènes aussi comme la recherche de la connivence avec le policier noir (« nous sommes entre gens de couleur ») qui rappelle l’interrogation des témoins au début de Imbroglio négro. La collecte des paris pour les loteries évoque aussi Tout pour plaire. Enfin, le sadisme des tortures et exécutions n’est pas pour surprendre les lecteurs de Himes pour qui la violence du grand banditisme blanc a été révélée dans Imbroglio négro et réaffirmée dans Ne nous énervons pas !

Le film est intéressant aussi par les relations entre le jeune inspecteur noir et son supérieur, le vieux flic italien à moitié pourri. Il démontre très clairement a contrario l’incongruité du couple d’inspecteurs de Himes et de leur quasi-souveraineté dans les premiers romans du cycle de Harlem. Les policiers sont majoritairement blancs et si l’enquête est confiée à l’inspecteur noir c’est pour des raisons politiques, avec une allusion explicite aux émeutes raciales de l’année précédente. Il faut calmer une opinion qui commence à compter.

En cela, il est révélateur d’un monde qui change. Le renoncement au pouvoir du vieux flic blanc corrompu et sa relation avec le jeune inspecteur noir honnête sont fondés sur cette conscience. C’est Harlem après L’aveugle au pistolet : hyper-présence des Blancs dans Harlem, coopération et haine raciale entre gangsters noirs et blancs (la mafia emploie des hommes de main noirs, mais l’alliance entre la mafia et les gangs noirs est menacée à tout moment). On devrait plutôt dire « un monde qui semble changer » car la pauvreté et l’oppression, elles, n'ont pas changé et la criminalité a son origine dans le besoin de sortir de la misère. C'est ce qu'ont toujours dit Fossoyeur et Ed Cercueil.


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