12 mai 2014

L’aveugle au pistolet : incompréhensible ?


L’aveugle au pistolet (1969) est l’avant-dernier des romans de Himes. À plusieurs titres, il ne relève plus, de même que Plan B, son dernier livre (1983), de ses romans policiers. Par exemple, les deux inspecteurs n’y jouent plus qu’un rôle marginal : ils n’élucident plus rien, ils n’ont plus de prise sur ce qui se passe. Ils sont devenus les témoins impuissants et les jouets d’une complexité… Dans la première fin du roman, avant la scène finale qui voit l’aveugle tirer sur les passagers du métro, Fossoyeur et Ed Cercueil abattent des rats.
La structure du roman est déroutante. Quand je l’ai lu pour la première fois, j’ai cru à une erreur d’impression. J’ai cité dans Chester Himes, l’unique le message candide que j’avais envoyé le 30 juin 2002 à Cannongate, l’éditeur britannique : « Pouvez-vous me confirmer qu’il y a bien une erreur dans l’ordre des chapitres de L’aveugle au pistolet ? Le chapitre 16 […] devrait être avant le chapitre 13. Le chapitre 18 devrait également être avant le chapitre 13 ».
Même Robert Skinner, grand spécialiste de Himes est déçu : « Il est probable que le lecteur verra ce livre au mieux comme insatisfaisant et au pire comme incompréhensible […] C’est un scénario compliqué que Himes a créé dans ce dernier livre. »
Or, Himes est dans ses romans policiers un maître du temps. Le temps n’est pas linéaire et la virtuosité est toujours présente (ellipse, condensation, temporisation). Mais le lecteur n’est jamais perdu car sa compréhension est garantie. Ainsi, la simultanéité d’histoires centrées sur des personnages distincts est assurée, par exemple, par des repères sonores (le sifflement du train lors du meurtre de Goldy dans La reine des pommes ou les coups de tonnerre dans Retour en Afrique). Le plaisir du lecteur peut être double : participation active à la construction de l’histoire et jubilation d’initié.

Comment donc un auteur aussi habile aurait-t-il pu se tromper dans l’ordre des chapitres ?

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Ecrivez ici votre commentaire.